Vous faites partie de ces personnes qui sont persuadées qu’il faut tout faire pour mieux maitriser l’information ; la notion de la gouvernance de l’information parait donc être une bonne réponse, quoique un peu complexe à appréhender. Maintenant, concrètement que peut–on faire ? – Car augmenter les curseurs de la gouvernance de l’information, est quelque chose qui semble être un travail d’Hercule. Bien sûr nous pouvons remonter vers l’exécutif de notre entreprise pour dire “nous souhaitions que vous ‘ordonniez’ que soit réfléchi et mis en place un service/département/direction de la gouvernance de l’information”. Mais vous savez au fond de vous-même que la probabilité que cela arrive tend vers l’infiniment petit…
D’ailleurs, concernant cet exécutif, pour l’instant les premiers résultats de l’observatoire GOUVINFO (*) de la gouvernance de l’information www.gouvinfo.org, font apparaitre que pour : 34% des réponses : l’exécutif semblerait ne pas comprendre le sujet, et pour 50% le sujet est perçu comme étant flou et non applicable. Mais pour 66% l’exécutif est conscient de l’importance de la gouvernance de l’information mais attend des justifications pour lancer la démarche, et 32% sont très moteur, ont définis des objectifs clairs et se positionnent en sponsors.
En résumé, au niveau exécutif : des visionnaires anticipent pour leur organisation, une majorité cherche à être persuadés, le reste attend de comprendre l’intérêt du sujet.
Ok, laissons l’exécutif tranquille et essayons de réfléchir à une démarche plus “bottom-up” qui, je pense, serait la plus pertinente aujourd’hui pour notre niveau d’appréhension de ce sujet et surtout notre culture franco-française. Culture très pragmatique qui aime le factuel et le concret avant de croire au concept.
La méthodologie ECOV Bottom-up
Cette méthode a comme objectif d’aider à construire et faire évoluer progressivement ce qui sera à terme une entité dédiée à la gouvernance de l’information. Elle est composée de 4 étapes récurrentes, amorcées par des actions de conduite au changement et terminées par des opérations de quick Win. Elle s’appuie sur un “rythme” de changement S-A-R : Semer, Arroser, Récolter. SAR représentant une logique progressive et itérative de sensibilisation et d’accompagnement au changement. L’ensemble de la méthode reste basée sur du bon sens pour offrir la plus grande marge de manœuvre pour son porteur. La gouvernance de l’information n’est pas et ne sera jamais, quelque chose de rigide et analytique mais plutôt un ensemble d’action systémique et influente.
Bien entendu, vous êtes un service/département ou personne ayant déjà un minimum de légitimité à proposer des services autour de l’information (GED, Archivage, Référentiels de données, …).
Première étape : Exploration
L’exploration est à prendre sur un angle large. Il s’agit de déterminer le périmètre de l’exploration, et donc ses limites (une entité sociale, une famille d’information, une direction,..). De nommer les explorateurs, leurs moyens ainsi que le délai qu’ils ont pour restituer leur travail. (A noter que ce délai associé au moyen, donne le niveau de profondeur attendu).
Cette phase portera principalement la formalisation tactique de l’exploration, à savoir la compréhension de ce que l’on entend par Gouvernance de l’information, l’orientation que l’on souhaite donner, la force de changement, …. Elle se terminera avec une équipe (ou une personne) identifiée qui aura acquis une bonne maitrise de ce qu’est la gouvernance de l’information et une très bonne compréhension des enjeux autour de ce sujet. Ce sera aussi l’opportunité de préparer les outils qui serviront lors de l’exploration (tableau Excel formatés, carnet d’adresse, planning, …).
Seconde étape : Cartographie
L’exploration amorcera une étape très importante, celle de la prise de conscience des acteurs, ainsi que la construction de la légitimité qui sera un des facteurs clefs de succès de la future instance de gouvernance. Si votre exploration se passe comme la colonisation des Espagnols en Amérique Latine, cela ne va pas vraiment le faire ! Votre objectif n’est pas de conquérir, mais de cartographier. Qui dit cartographie dit création de valeur que vous pourrez offrir aux “autochtones” (Semer-A-R).
La cartographie aura un triple objectif :
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recueillir et lister tout ce qui peut donner une légitimité à la future instance de gouvernance. Cela peut être des documents (politiques, règles, référentiels règlementaires, de données,..), des solutions logicielles, des organisations, ….
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d’identifier les futurs acteurs impliqués dans la gouvernance de l’information,
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et surtout d’amorcer une conduite au changement (SAR).
L’issu de cette étape permettra de bénéficier d’un état des lieux, et d’une identification des candidats. Cela aura été aussi le moment privilégié de rencontrer des personnes et donc de commencer à semer des idées, des suggestions, et surtout d’écouter les attentes, de comprendre les freins, … .
Troisième étape : Organiser
Vous voilà de retour de vos cavalcades, vous avez recueillis des trésors. Certains valent de l’or, peut-être ne le savez-vous pas encore, d’autres sont tout simplement superflus. Vous pouvez commencer à constituer des référentiels relatifs aux fondamentaux que vous avez recueillis, reprenant notamment les acteurs, les organisations, et les solutions techniques.
L’intérêt de cette phase est d’amorcer la constitution d’un catalogue de service de votre future gouvernance de l’information. Vous ne serez pas responsable de chacune des lignes de ce catalogue, mais vous vous positionnerez comme étant un point d’entrée pour tout ce qui touche à la maitrise et la valorisation de l’information.
Cette étape d’organisation est aussi le moment de réflexion pour analyser ce qui pourra être la future instance de gouvernance. Effectivement durant votre cartographie, vous avez rencontré des personnes, et des services qui ont le potentiel pour se transformer vers une organisation de gouvernance de l’information. Il est donc nécessaire d’évaluer le qui peut porter, à terme, ce catalogue de service, et quels sont ses axes de transformation vers une dimension plus transverse et moins technique.
Organiser, se termine avec une formalisation globale de votre exploration, en faisant apparaitre des scenarii d’évolution. Il est conseillé d’ailleurs d’élaborer un Business Case, qui orientera cette synthèse pour être présenté auprès de votre exécutif, ainsi augmenter la quatrième étape et préparer un autre cycle d’ECOV. Le seul challenge à ce stade sera au minimum de négocier un budget identique à celui consommé pour réaliser ces 4 étapes. Tout simplement pour faire vivre dans le temps ce que vous avez recueilli et formalisé (S-Arroser-R). Murir est un mot important pour la gouvernance de l’information et cela peut prendre des années.
Quatrième étape : Valoriser
Vous avez recueilli, formalisé, valorisé une masse spectaculaire… d’information. Vous êtes capable de proposer une trame de catalogue de services (pensez à l’OSR : L’offre de services riches de gestion d’information – La définition du système cible), voir même des axes d’amélioration et/ou de transformation sur les 2 à 3 ans qui viennent. Qu’importe si le business case que vous avez montré à votre direction n’a pas eu les échos que vous attendiez, vous avez déjà suffisamment de matière pour amorcer des opérations de valorisation de votre entité.
Selon la théorie des équilibres, lorsque vous mettez en contact un récipient d’eau froide et un autre d’eau chaude, les eaux vont se mélanger et la température va tendre vers une moyenne. Vous êtes cette eau chaude et votre objectif est de réchauffer les récipients autour de vous. Ce que vous avez recueilli est de la chaleur, du moment que vous vous positionnez en tant que facilitateur. C’est comme dans les réseaux, personne ne viendra vous reprocher d’avoir fait des mises en relation constructives. Faire bénéficier à votre organisation la connaissance des fondamentaux, les acteurs de ces fondamentaux, les cartographies que vous avez pu réaliser est une action forte de valorisation de la gouvernance de l’information. C’est l’intérêt de l’approche bottom up. Il est possible de faire de la gouvernance de l’information au niveau global de l’entreprise, simplement en offrant une vue transverse de ce qui existe.
D’ailleurs, le premier silo à casser pour mieux maitriser l’information est justement l’étalement anarchique des fondamentaux. Tien, vous venez, grâce à votre exploration et cartographie de regrouper ces derniers et de créer quelque chose qui va être de plus en plus recherché. Vendez le !
D’ailleurs l’ensemble des acteurs que vous aurez rencontré sera enchanté de pouvoir bénéficier de votre travail. Ce sera ainsi une belle récolte et un début d’acquisition de légitimité (S-A-Récolter).